Acum niște ani |
19 decembrie 2024 |
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Avec Patrice Chéreau, le Louvre devient théâtre | | (Teatru) | On a coutume d’opposer le spectacle « vivant » aux autres arts, comme si ces derniers ne relevaient pas du « vivant ». L’exposition « Des visages et des corps », à laquelle nous convie le metteur en scène Patrice Chéreau, artiste actuellement “invité du Louvre” , prouve le contraire. | Dans la jolie petite salle Restout, tout en haut et tout au bout de l’aile Sully, après les peintures françaises des XVII et XVIIIe siècles, Chéreau a créé de véritables intrigues, des rencontres entre tableaux… « Pour la première fois de votre vie, vous pouvez voir en même temps L’Origine du monde de Courbet (1866) et La jeune femme se peignant de Salomon de Bray (1630) », a-t-il lancé, heureux, le jour de l’inauguration, tout en se félicitant que le musée d’Orsay lui ait prêté le Courbet (un “miracle” dont il n’est “toujours pas revenu”).
Juste avant ce face à face, on est accueilli par l’émouvant corps à corps entre le Christ couché sur un linceul de Philippe de Champaigne (autour de 1654) et L’Etreinte de Picasso (1903). Ainsi rapprochées, ces deux toiles nous racontent une histoire qui parle tout à la fois d’amour et de mort… C’est pourquoi Chéreau invite le public à adopter ici un regard de spectateur : à embrasser toute la scénographie, plutôt que d’observer les toiles unes à unes en simple visiteur de musée.
Car c’est bien la dramaturgie d’ensemble qui porte la narration… et l’émotion. On est ému devant la Bethsabée au bain de Rembrandt (1654) qui frôle quasiment la main d’une amie inattendue : un Nu à la baignoire, signé Bonnard (1931). Non loin de là, L’homme au gant du Titien s’est fait le plus proche complice de L’homme à la ceinture de Courbet. Et c’est ainsi que la salle de musée devient pièce de théâtre.
Ce spectacle m’a fait penser à un certain idéal du théâtre, formulé dans les années 1930 par le poète Antonin Artaud (1896-1948). Dans un article intitulé La Mise en scène métaphysique, l’auteur du Théâtre et son double cite un tableau qu’il a vu au Louvre comme le modèle même de ce que doit être le théâtre. Il s’agit d’une peinture du primitif Lucas de Leyde : Les Filles de Loth. Après avoir minutieusement décrit la toile, les personnages, leurs attitudes, le paysage et les lumières qui rendent « cette peinture suprêmement matérielle », Artaud affirme ceci : « cette peinture est ce que le théâtre devrait être s’il savait parler le langage qui lui appartient (…) ce langage concret, destiné aux sens et indépendant de la parole ». Plus qu’un sens aigu du réel, le metteur en scène doit donc avoir un sens aigu du pictural. C’est le cas de Chéreau, qui jusqu’à janvier 2011, fait du Louvre son théâtre.
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